Quelle(s) stratégi(es) maintenant pour les russes et les ukrainiens ?
Depuis le début de cette guerre nous commentons sans tomber dans les excès des uns et des autres.
Quand la situation ukrainienne était desespérée nous l’avons dit (voir nos premiers articles) et avons répété que la situation était grave et qu’il fallait compter sur des erreurs russes pour que l’Ukraine s’en sorte.
C’est ce qui s’est passé au final.
La stratégie russe du choc a échoué en grosse partie à cause d’un défaut de renseignements coté russe et surtout de la défaite tactique autour de Gostomel (aeroport d’antonov) qui n’ouvre pas les portes de #Kyiv fin février.
La division méchanisée d’élite russe qui n’a jamais pu débarquer à 10km du centre de Kyiv aurait complétement changée la donne car elle aurait forçée toutes les unités d’élite ukrainienne à revenir vite vers Kyiv qui ne pouvait pas tomber.
L’attaque russe a ensuite dispersé trop de forces pour « finir le travail » mais elle n’a pas été « si mal menée ». Elle a juste subie des aléas de la guerre et surtout a sous-estimé de manière grossière les meilleurs unités ukrainiennes et le renseignement ukrainien largement aidé par les occidentaux.
L’aviation russe, elle, se montre au dessus de tout….et est incapable d’écraser le sol de sa supériorité. S’il y a des gens à fusiller coté russe, c’est bien parmi les aviateurs qui ont été « les incapables du moment ».
Au delà de ça, cela se joue à pas grand chose fin février.
Les défauts logistiques russes font le reste et aussi de facto le terrain trop « meuble » forçant les unités blindés russes à prendre les routes. L’attaque se fait de facto trop tard car le sol n’est pas totalement gelé.
Il y a un défaut de timing et surtout une bataille décisive perdue dès le début de la guerre pendant 2 jours mais *pas grand chose de plus*.
Ensuite les ukrainiens vont se reprendre, mettre leurs meilleurs troupes en rôle de pompier un peu de partout.
Les Russes vont vouloir fixer ces unités pour les empecher de jouer ce rôle. Ils y parviendront et les pertes ukrainiennes vont augmenter sensiblement avec un recul net sur le Donbass, la possibilité de créer un corridor Crimée – Donbass pour les Russes, les chutes de quelques petites villes.
Malgré tout, les russes n’ont pas une supériorité numérique au sens strict du terme ce qui rend l’offensive compliquée et une aviation « petit bras » qui ne prend aucun risque réel. Ils consument leurs meilleurs unités à une vitesse effarante et s’épuisent.
On en arrive à des erreurs tactiques et encore un défaut de renseignement qui laisse des trous béants sur Kharkiv et des lignes logistiques problématiques au delà de Kherson.
Et là c’est la débandade à Kharkiv et à Kherson où ils ne se replient pas en bon ordre : les pertes russes dans ces replis ont du être énormes mais ils parviennent à sauver l’essentiel.
En face les ukrainiens ont pu attaquer mais au prix de pertes très importantes aussi…les belligérants sont deux boxeurs au 12éme round d’un combat de boxe terrible.
L’arrivée des artilleries occidentales va jouer le « PAT » et les initiatives s’équilibrent.
Nous en sommes là maintenant : 2 armées qui se neutralisent mais l’armée russe est dans une posture difficile maintenant.
Le portail Oryx a montré de nouvelles pertes records d’armes russes – du 24 février au 20 novembre, en près de 9 mois d’invasion russe, les pertes d’armement divers et variés se sont élevées à 8023 unités, qui ont été prouvé par des photos et vidéos sur Internet.
C’est-à-dire que ce sont les pertes minimales confirmées qui sont ramenées en ce moment.
Au 20 novembre, ce sont exactement 1500 chars de combat qui ont été perdu la Russie.
Parmi ceux-ci ont été identifiés des T-72B3, T-72B3M, T-80BVM, T-90A et T-90M.
Selon les données de l’inventaire russe pour 2022, il y avait 3417 chars en Russie.
La Russie a donc perdu 40% du parc de chars en 9 mois de conflit.
La Russie ne serait en mesure que de produire « poussivement » 240 chars par an.
A ce rythme, la Russie n’aura plus de troupes blindées dans quelques mois et ne pourra plus que les utiliser qu’en appui feu statique et défensif avec des vieux T-62.
Au vu de la situation actuelle, les Russes vont défendre leur flanc ouest (Couloir Crimée – Donbass) et continuer à essayer d’avancer sur le Donbass tout en massacrant les installations civiles ukrainiennes pour saper le moral de la population. Le « Soft-power » russe et ses relais occidentaux type Segolene Royal en France vont devoir montrer qu’il n’y a plus aucune issue militaire au conflit possible et insister sur tous les media dessus.
Le Donbass va être une boucherie sans nom et les Russes devront de nouveau mobiliser au début de l’année 2023 pour envoyer encore plus de chaires fraiches sur le Donbass tout en positionnant leurs meilleurs troupes autour de Melitopol pour soit contrer une offensive ukrainienne au delà de Kherson (compliquée maintenant) soit résister à un assaut « central » visant à couper la Crimée du Donbass.
Les Ukrainiens sont obligés de continuer à avoir des victoires pour maintenir un soutien occidental et les munitions qui vont avec donc leur prochain objectif est clairement Melitopol.
Une perçée qui couperait en deux les armées russes : d’un coté la Crimée et le reste de Kherson sous le feu de l’artillerie ukrainienne et de l’autre la progression russe sur le Donbass est le scénario idéal.
Ils tenteront cette perçée en essayant de rejouer le coup de Kharkiv c’est à dire une diversion qui peut se transformer en offensive loin de Melitopol puis l’attaque centrale massive sur Melitopol.
J’aurai tendance à dire que l’armée ukrainienne devra jouer une partition très sale pour y parvenir en déplaçant l’attention russe de manière signifiante. Il faudrait donc que les ukrainiens puissent réaliser une perçée hautement symbolique…pourquoi pas directement le territoire russe ? Je ne sais pas si les Ukrainiens en ont les moyens mais accentuer la pression sur les régions frontalières serait une réponse intelligente en menaçant les villes russes de la frontière « de raids ».
En gros les Ukrainiens devraient jouer « aux pirates » tout le long de la frontière russe en profondeur sur 20-30km lançant des assauts destructeurs puis revenant à leur position initiale. L’idée bien sur est de tout détruire sur son passage : infras, villages, …
Le but serait de forcer de nouveau les Russes à bouger leurs unités les plus experimentées de la zone de Melitopol où elles sont vers une position de pompier sur un front gigantesque.
Nous verrons quelles options prendront les Ukrainiens mais il serait judicieux pour eux de pouvoir comme nous le disons depuis le début « enflammer » le territoire russe en y augmentant sensiblement les pertes civiles directes la bas…